jeudi 15 novembre 2012

BÉRÉNICE MARLOHE, JAMES BOMBE GIRL FRANCO-KHMER

BÉRÉNICE MARLOHE, JAMES BOMBE GIRL FRANCO-KHMER
Bérénice Marlohe, James Bombe Girl franco-khmer
Bérénice Marlohe, dans "Skyfall" de Sam Mendes. | Photo DR

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Paru dans Match
A 32 ans, elle est la partenaire de Daniel Craig dans les nouvelles aventures de 007.
Elisabeth Sancey - Paris Match






Embrasser James Bond? Avoir pour job – joliment rémunéré – de le séduire? Une tannée, mon bon! Bérénice souffre le martyre sur le tournage de «Skyfall». «Ah, que je suis courageuse! Comme je suis brave! Ce travail exige un don de soi, mais il faut savoir faire des sacrifices.» Sur ces mots, éclate le rire de Bérénice Marlohe. Un rire sonore et snob, voué à finir un jour dans la gorge d’une ennemie désirable de 007. Sa «James Bond lady» sera «glamour et mystérieuse, une femme forte assortie d’un gadget très “bondesque”». Alliée? Adversaire? Elle n’en dira pas plus, secret défense oblige.

Bérénice jubile. A 32 ans, cette Française tient sa revanche. Le cinéma hexagonal n’a pas voulu d’elle ; Hollywood et la perspicace Albion lui font vivre une féerie en flingue majeur, dans une superproduction à 200 millions de dollars. Inconnue hier, aujourd’hui «James bombe», star sous embargo et fantasme officiel pour tous les mâles de la planète.
Signalement: femme élégante, porte du noir à notre rendez-vous, comme au casting qui a changé sa vie et sur les premières images qui la montrent dans la peau de la sombre Severin. Un mètre quatre-vingt-cinq sur talons aiguilles, 10 centimètres de moins au naturel. A appris à manier les armes pour son plus grand plaisir. Elle en possède des répliques chez elle. Traits eurasiens, sourire immense, son salut est efficace, prononcé d’une voix grave: «Bonjour, je suis Bérénice.» Lauren Bacall n’est pas loin avec un timbre de voix pareil, fait pour soutirer des confidences mezza voce sur l’oreiller. Mouvement d’épaules, son manteau de laine strict glisse sur son torse en été, juste couvert d’un débardeur de soie: elle maîtrise l’art de l’effeuillage. Aime «la sensualité à l’ancienne, hanches soulignées et taille cintrée». Les mains d’un homme pourraient enserrer la sienne presque tout entière. Pas d’alliance au doigt de la Marlohe, pas d’amant ni d’enfant à l’horizon, et elle se garde bien de s’étendre sur le sujet. Une bonne Bond girl est une Bond girl célibataire.
Comment ce physique de guêpe et cette aura vénéneuse ont-ils pu laisser la France de glace? Née à Paris d’une mère chti assistante sociale, et d’un père sino-cambodgien médecin généraliste, elle grandit dans l’amour des arts plastiques, sa première passion, transmise par ses parents. «D’excellents peintres», dit-elle. Quand elle décide de devenir actrice, elle se heurte à un mur. «Les agents me disaient: “Vous ne ressemblez pas à Sandrine Kiberlain à Isabelle Carré, vous ne ferez jamais carrière”, ou “Revenez quand vous aurez des relations”. Ce n’était pas comme ça que je voyais le métier.» Pendant près de sept ans, elle cachetonne pour des séries télévisées («Père et maire», «Equipe médicale d’urgence») et des rôles secondaires («L’art de séduire»), fait le mannequin sans conviction, et tourne des pubs (Dacia) pour engranger des économies. Début 2011, elle comprend que la France ne suffit pas. Elle s’envole pour deux mois à Los Angeles: elle mourra un autre jour pour le 7e art.

CETTE GRANDE TIMIDE AENVOÛTÉ LES DÉCIDEURS DE LA SAGA

Depuis son hôtel à West Hollywood — «un petit truc qui ne paie pas de mine, mais très charmant, où Marilyn Monroe a séjourné» –, l’exilée au prénom tragique passe ses journées à envoyer des candidatures. Divine surprise, elle reçoit «des réponses dans la semaine»! L’American dream fonctionne donc encore. «J’ai senti que, là-bas, on donnait sa chance aux filles venues de nulle part.» La voici prête à rentrer en France, forte d’une énergie nouvelle. Dans ses bagages, un tuyau précieux: elle sait que, six mois plus tard, aura lieu le casting du 23e James Bond.
La suite fait déjà partie de la légende. Un ami lui confirme la date du passage des chasseurs de Bond girls à Paris. Bérénice a rendez-vous avec la gloire, elle le veut, elle le sent. «Je n’avais pas d’agent. J’ai essayé par tous les moyens — réseaux sociaux, sites Web, etc. – de joindre n’importe quelle personne rattachée à la production. En vain. Grâce à mes contacts américains, j’ai fini par obtenir le mail de la directrice de casting. Cinq jours plus tard, je passais une audition à Paris, puis deux autres à Londres.»
Le réalisateur, Sam Mendes, décroche en personne son téléphone pour lui annoncer qu’elle est la septième James Bond girl française. Une brune, comme les six autres. Elle a neutralisé 3 000 concurrentes du monde entier, et, des producteurs à 007, qui sera joué pour la troisième fois par Daniel Craig, elle a envoûté tous les décideurs de la saga la plus rentable de l’histoire du 7e art. Sa réaction est raccord avec le rôle: «Je n’ai pas sauté de joie ni crié. Ma joie était intériorisée.»
Tout en retenue. Bérénice est un animal à sang froid, à l’opposé de ces starlettes qui déballent leur vie fascinante — achats, soirées, animaux de compagnie – à la première figure maternelle venue. Son tempérament de feu, cette créature double l’enrobe d’une politesse naturelle. La faute à «une grande timidité qui vient de loin». Une plaie enfouie, que la belle lèche encore, et qui lui donne soif de vaincre. Un détail hautement bondesque.
Sophie Marceau avait le même âge qu’elle, mais une carrière autrement plus fournie, quand elle est montée sur l’olympe de l’agent secret. Claudine Auger était une débutante en 1965, mais la pionnière des croqueuses de James Bond avait 18 ans et un titre de Miss France en poche. Eva Green avait déjà une référence aussi solide que scandaleuse dans son CV, le Bertolucci, «Innocents». Bérénice est à part dans cette dynastie sexy made in France. C’est la seule self-made-superstar. Entrer aussi nue professionnellement dans la petite tenue d’une Bond girl est un pari osé. Mais Bérénice peut rire de sa victoire, et les Cassandre se mordre les doigts. Qu’ils la courtisent, ce qu’ils ne se privent pas de faire: la Marlohe leur envoie de bons baisers du zénith.Point final

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