mardi 29 octobre 2013

Beaux-Arts: Les Sceaux chinois: une forme d'art à part entière

 

Jean-Yves BARDIN
Contact Jean Yves BARDIN : CREAZEN
STUDIO DE CREATION AUDIOVISUELLE
mail : contact@creazen.net
Lors d’un récent voyage en Chine, j’assistai à la réalisation d’une calligraphie par un maître : ses yeux plissés, ses cheveux blancs et sa silhouette frêle ne faisaient que renforcer l’impression de sagesse qui se dégageait du vieil homme. Le pinceau glissait sur la feuille d’un mouvement sûr et les curieux qui regardaient la scène ne soufflaient mot, chacun retenant son souffle, conscient que le moindre bruit aurait pu troubler la concentration de l’artiste.


Une fois son travail fini, le calligraphe posa son pinceau et contempla son œuvre, il prit une pierre, la trempa dans l’encre rouge et apposa sa signature sur la feuille. Cette marque rouge fut comme la fermeture d’une parenthèse, les bavardages reprirent et les badauds continuèrent leurs activités.
Pour ma part, je restai admiratif et silencieux, m’interrogeant sur la signification de cette petite empreinte rouge qui ornait la calligraphie du vieil homme.
Bien plus qu’une simple signature, les sceaux sont une forme d’art à part entière.
En Chine, leur utilisation est très ancienne. Il faut d’ailleurs noter que l'écriture chinoise antique dite "sigillaire" provient de l'écriture gravée des sceaux.
Les premiers étaient utilisés pour valider des documents d’officiels de haut rang, ils se nommaient Xi. Ils furent très utilisés entre 1600 et 771 av. JC entre les dynasties Shang et Zhou et les Xi avec écriture manuscrite furent largement utilisés pendant la dynastie Zhou (720-256 av. JC). Peu à peu, les structures sociales évoluèrent et un grand nombre de sceaux privés appelés Yin apparurent aussi à cette époque.
Les sceaux Xi et Yin devinrent à cette époque une forme d’art, opérant une fusion entre sceaux gravés et écriture manuscrite. Avec la dynastie Ming au 16ème siècle, l’art des sceaux gravés entra dans une nouvelle phase englobant calligraphie et techniques de peinture.

Aujourd’hui, les sceaux sont encore largement utilisés : administratifs ou artistiques, privés ou représentant une institution, ils ont la fonction de notre vulgaire " coup de tampon " et font partie intégrante de la vie des chinois.
Partout dans les rues, des artisans gravent des sceaux. Il en existe une multitude et le choix n’est limité que par le budget de l’acheteur.
Pierres de toutes tailles et de toutes factures ornent les étagères des marchands et le choix n’est pas aisé pour le néophyte qui désire acheter un sceau chinois.
Pierres brutes ou sculptées, jade de valeur ou pierres semi- précieuses, cristal, anciens, faux, récents, bon marché : le meilleur côtoie le pire et il faut être expert pour faire la distinction.
Il existe cependant des endroits où il est à peu près sûr de trouver de véritables œuvres d’art et d’éviter les imitations de mauvaise facture : Le musée de Shanghaï possède par exemple une boutique qui ravira les amateurs et les antiquaires sont légion.
Graveur au travail
 
Une fois la pierre choisie,il reste la gravure à effectuer. En général les graveurs utilisent des pierres poreuses.
Ils peignent le motif à graver sur la pierre et ensuite ils creusent dans la pierre à l’aide d’un stylet en creusant autour du motif
En général, le graveur propose différents styles de caractères et de calligraphies sur catalogue.
Lettres carrées ou plus arrondies, caractères anciens ou primitifs, animaux fantastiques ou signes magiques, géométriques et anguleux ou irréguliers s’ornant de pleins et déliés défilent sous les yeux du client.
 
Le graveur creuse la pierre à l’aide d’un stylet
après avoir choisi le motif à graver
 
Un marchand proposant une multitude de sceaux au marché culturel de Pekin
Mais encore faut-il savoir quels caractère graver. Même s’il est plus aisé d’acheter un sceau déjà gravé, l’inconvénient est de ne pas connaître la signification des caractères ; il est donc délicat de l’utiliser pour son courrier !
 
L’autre possibilité consiste à faire graver un sceau à son nom, je découvris alors qu’il fallait d’abord me trouver un nom chinois.
Le choix d’un nom pour un étranger se fait d’abord de manière phonétique, nos amis chinois essaieront d’abord de trouver un nom qui ressemble a notre patronyme d’origine.
Ensuite, s’ils peuvent trouver des caractères valorisant et enfin qui correspondent à votre personnalité.
Les parents peuvent appeler un enfant en fonction des circonstances de sa naissance, en voici quelques exemples :
Jianguo : est un nom utilise pour des personnes nées en 1949 et signifie fondation de la patrie (date de la révolution culturelle).
Wangxue : Wang est le nom de famille et xue est le caractère chinois qui exprime la neige (il a neigé le jour de la naissance de l’enfant).
Chengcai : Cheng est le nom de famille et cai veut dire talent, le nom représente ici l’espoir que l’enfant sera talentueux.
Shi Manli est un exemple intéressant : Shi est le nom, mais d’un côté de la famille les parents souhaitaient appeler leur fille Man mais l’autre partie voulait qu’elle se nomme Li, il y avait un conflit sur le choix du nom, ils trouvèrent un accord en réunissant les deux noms Man et Li, Manli évoque aussi un nom de fleur.
Après avoir passé un peu de temps avec mes amis chinois, ils me dirent qu’ils avaient trouvé un nom qui me correspondait bien : Jean-Yves allait devenir Zhang Yi Fu.
En chinois il faut prononcer " Tchang Yi Fou ". La phonétique était respectée, je demandais donc la signification des caractères.
Zhang est un nom très courant en Chine.
Yi exprime la rectitude, beau, bon bonté, justice
Fu désigne un homme mûr.


La signification me convenait et je décidais d’adopter mon nom chinois immédiatement !
J’allais donc voir un artisan afin qu’il grave un sceau à mon nom.
Une fois la pierre choisie ainsi que le style des caractères, je me fis réaliser deux sceaux : le premier de forme carrée avec des caractères modernes inscrits en négatif et le second de forme ovale avec des caractères anciens.
Les deux ayant la même signification.

Motifs représentant
le nom " Zhang Yi Fu "

Je repensais au vieux calligraphe, en me disant que désormais moi aussi je pouvais signer mes œuvres de mon empreinte rouge… il ne me restai plus qu’à apprendre la calligraphie !
Jean-Yves Bardin
Zhang Yi Fu
   

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire