mardi 31 décembre 2013

Les grands enjeux de 2014 (2/4): la Chine malade de son système bancaire

 
Enjeux 2014
La Chine veut développer son secteur privé. Mais l'opacité et l'innefficacité de son système bancaire pourraient compromettre ses efforts. (Photo : Reuters)
La Chine veut développer son secteur privé. Mais l'opacité et l'innefficacité de son système bancaire pourraient compromettre ses efforts. (Photo : Reuters)


Romain Renier  |         

Série: quels seront les grands défis de 2014 pour l'économie mondiale? .Deuxième volet : les difficultés rencontrées par le système bancaire chinois, au coeur des réformes à venir.

"Peu importe que le chat soit noir ou gris, pourvu qu'il attrape les souris," avait déclaré Deng Xiaoping en 1961. Cet adage, inspiré du Prince de Machiavel et annonciateur du tournant chinois vers le "socialisme de marché" de 1978, est révélateur du pragmatisme des dirigeants du pays. Il est plus que d'actualité en 2014, le nouveau chat de Pékin consistant en un pas de plus vers la libéralisation de l'économie pour s'éloigner un peu plus de la Chine communiste de Mao.
Après le ralentissement de l'économie mondiale suite à la crise de 2008, les dirigeants du pays ont en effet pris conscience qu'ils ne pouvaient dépendre ad vitam eternam de la croissance des grandes économies occidentales pour exporter et accueillir des investissements. Leur obsession depuis est de rééquilibrer la croissance du pays en développant un secteur privé qui investit et une classe moyenne qui consomme. Bref, développer un véritable marché intérieur. Mais il leur faudra agir avec beaucoup de tact pour faire face aux défis qui les attendent.

Le spectre du credit crunch

Car la tâche n'est pas simple. Les maux du pays pourraient en effet se cristalliser en un seul : un système bancaire peu efficace et dont la solidité pose régulièrement question.
En témoigne la tentative par la banque centrale de mettre fin à une croissance effrénée mais inefficace du crédit, qui s'était soldée par de fortes tensions sur le marché interbancaire chinois au jour le jour et avait fait planer le spectre d'un credit crunch sur l'économie du pays en juin dernier.
Face à la panique, la banque centrale s'était ravisée en déversant en urgence quelque 50 milliards de yuans (6,15 milliards d'euros) afin d'assurer le refinancement des nombreuses banques régionales surendettées et en panne de liquidités.

Mauvaise allocation du crédit

Le besoin d'un assainissement du secteur financier est pourtant criant. Après la crise financière de 2008, les banques régionales chinoises ont servi de relais à la politique monétaire expansionniste de la banque centrale pour soutenir l'investissement.
Mais la majeure partie des liquidités a été captée par les grandes entreprises d'État et les gouvernements locaux, soupçonnés d'être des viviers de corruption, au détriment de l'investissement productif. L'endettement des gouvernements locaux, qui ne peuvent officiellement s'endetter mais qui le font via des sociétés écran, atteint d'ailleurs des sommets inquiétants.
Beaucoup de ces liquidités captées pourraient aussi avoir tout simplement été perdues au gré d'investissements malheureux sans que la position d'emprunteurs privilégiés de ces "champions étatiques" ne soit remise en cause par les banques. Ces dernières ont d'ailleurs subi de violentes critiques de la part de l'ancien chef économiste du bureau des statistiques Yao Jingyuan, pour qui leur gestion est totalement automatisée, dénuée du sens de l'investissement.

L'ombre du shadow banking

Les difficultés qu'ont les entreprises privées à se financer et la main mise qu'ont les entreprises d'État sur le crédit ont par ailleurs favorisé la création d'une finance de l'ombre, le fameux shadow banking.
En clair, les très puissantes entreprises d'État face auxquelles Pékin a du mal à s'imposer, ont profité des taux bas dont elles bénéficient pour réaliser des marges en prêtant aux entreprises privées par le biais de prêts informels. Résultat, en plus d'un manque d'efficacité patent, il est très compliqué d'estimer l'exposition au risque des banques chinoises. Difficile, donc, de libéraliser et de développer l'investissement privé sans recours aux capitaux étrangers dans de telles conditions.

Les marges de manoeuvre sont très limitées

D'autant plus qu'un resserrement du crédit pourrait avoir des effets dévastateurs pour la deuxième économie mondiale. Surtout en ces temps de ralentissement du programme de Quantitative Easing de la Fed américaine qui favorise le rapatriement de capitaux en dollars vers les Etats-Unis après des années fastes pour les émergents.
Car la Chine doit croître à un rythme minimum de 7,2% par an pour absorber les nouveaux entrants sur le marché du travail, comme l'avait affirmé le premier ministre Li Keqiang début novembre. Et les marges de manœuvre de ce point de vue sont très faibles.
Ainsi le FMI prévoit-il une croissance maximum de 7,3% en 2014 pour la Chine. Et certains officiels s'attendent déjà à quelques tensions pour les jeunes diplômés dans le secteur des services. A cela s'ajoute les nombreux secteurs de l'industrie en surcapacité et qui auraient bien du mal à supporter l'arrivée de la concurrence.

Éviter le scénario catastrophe

Or, maintenir l'emploi est primordial pour le PCC qui craint plus que tout la montée de mouvements sociaux remettant en cause sa légitimité à la tête du pays. En témoigne son application toute particulière à augmenter les libertés économiques, mais à ne rien lâcher sur les libertés individuelles de crainte de voir l'empire s'effondrer, à l'image de l'URSS sous Michail Gorbatchev, comme l'a lui même affirmé le président Xi Xinping.
Entre volonté de se maintenir au pouvoir, réforme de l'économie à long terme et nécessité de préserver les créations d'emplois à court terme, les dirigeants chinois devront donc certes s'inspirer des enseignements de Machiavel, mais aussi éviter de se retrouver dans un scénario à la Kafka qui pourrait leur coûter très cher.
Épisode 1/4 : La zone euro à l'heure du crash test

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