samedi 4 juillet 2015

La Grèce en faillite "pour les nuls" : cinq minutes pour tout comprendre


La Grèce, dernier exemple d’une longue histoire de défauts souverains

Le Monde.fr | • Mis à jour le | Par



Globalement, les défauts de paiement des Etats endettés sont plus fréquents statistiquement que le remboursement à la date prévue.
Globalement, les défauts de paiement des Etats endettés sont plus fréquents statistiquement que le remboursement à la date prévue. Petros Giannakouris / AP
La Grèce n’ayant pas remboursé la somme d’1,5 milliard d’euros qu’elle doit au Fonds monétaire international (FMI) à la date butoir du 30 juin, le pays se retrouve en défaut de paiement. La situation n’est pas inédite, et depuis 1978, 71 pays ont été incapables de rembourser les dettes accumulées auprès de leurs divers créanciers. Le cas de la Grèce fait cependant école, puisqu’il s’agit du premier pays membre de l’Union européenne à se retrouver en défaut de paiement vis-à-vis de l’institution du FMI.

Qu’est-ce qu’un défaut souverain ?

On parle de défaut souverain quand un Etat est dans l’incapacité de remplir ses obligations financières. Etant donné que les pays ne sont pas assujettis aux lois concernant la banqueroute, comme les entreprises ou les particuliers, ils peuvent déclarer qu’ils ne rembourseront pas leurs dettes auprès de leurs créanciers, sans pour autant encourir de pénalités légales.
Cette situation arrive en cas de crise économique, lorsqu’un Etat fait face à des finances publiques très dégradées. Comme l’explique la banque de financement et d’investissement Natixis, un pays ayant une dette publique trop élevée « ne peut pas éviter le défaut car il est confronté (...) à des taux d’intérêt plus élevés que son taux de croissance ».
Un pays en situation de défaut se trouve alors face à plusieurs possibilités : décaler le remboursement de la dette ou en baisser le coût en aménageant les taux, laisser l’inflation effacer « naturellement » la dette (c’est impossible dans la zone euro où la Banque centrale européenne veille à l’objectif collectif de 2 % et ne peut pas faire de cas par cas), racheter sa propre dette sur le marché secondaire à un prix décoté, ou tout simplement faire défaut de façon explicite – une partie de la dette n’est pas remboursée.
Pour éviter ce cas extrême, un Etat peut augmenter les impôts et supprimer des lignes budgétaires pour espérer rétablir la balance, mais ces solutions impliquent de faire peser une lourde pression économique sur la population et le risque est alors de sombrer dans une spirale récessionniste. Le premier ministre grec, Alexis Tsipras, s’est ainsi imposé aux dernières élections en promettant que le peuple grec allait « laisser l’austérité derrière lui ». Difficile, dans ce cas-là, de trouver l’argent nécessaire pour rembourser ses créanciers, le FMI n’en étant qu’un parmi d’autres, mais se considérant comme prioritaire.

Est-ce nouveau ?

Malgré le cas très particulier que représente la Grèce au sein de l’Union européenne, sa situation de défaut de paiement n’est pas rare. Elle est même assez commune. Selon Carmen M. Reinhart, professeure d’économie à l’université du Maryland, et auteure avec Kenneth Rogoff de la somme de référence This Time Is Different : Eight Centuries of Financial Folly, les défauts de paiement des Etats endettés sont plus fréquents statistiquement que le remboursement à la date prévue. « Des défauts de paiement en série sur la dette extérieure – c’est-à-dire des défauts de paiement souverains qui se répètent – semblent être la norme dans presque chaque région du monde, y compris l’Asie et l’Europe », écrit la chercheuse sur le site du think tank Telos.
Dans leur ouvrage, Reinhart et Rogoff observent que ces faillites surviennent généralement par vagues successives, et notamment lors de guerres. Selon leurs calculs, on observe principalement, depuis 1800, cinq cycles lors desquels les 66 Etats indépendants de leur échantillon (répartis sur tous les continents) sont en défaut ou forcés de restructurer leur dette : le premier pendant les guerres napoléoniennes, le dernier avec les crises des pays émergents dans les années 1980 et 1990.
D’après Mme Reinhart, « les décideurs ne devraient se réjouir trop vite de l'absence de défauts de paiement majeurs entre 2003 et 2007, après la vague de défauts qui a marqué les deux décennies précédentes. [...] Les principaux épisodes [de défaut de paiement] sont généralement espacés de quelques années ou de quelques décennies, ce qui contribue à créer chez les décideurs et les investisseurs l’illusion que “cette fois, c’est différent”. »

Quels sont les pays à en avoir le plus connu ?

Depuis le début du XIXe siècle, tous les pays européens ont fait défaut sur leur dette, et beaucoup d’entre eux lors des guerres napoléoniennes. En remontant plus loin dans le temps, on découvre même que la France détient le record européen du plus grand nombre de défauts de paiement : huit entre les XIVe et XVIIIe siècle. De son côté, l’Espagne a fait sept fois défaut au cours du seul XIXe siècle. Le cas de la Grèce n’est quant à lui pas en reste, puisque le pays a été en défaut ou en rééchelonnement de sa dette pendant plus de la moitié des années écoulées depuis son indépendance en 1830.
Depuis les années 1970, ce sont les pays d’Amérique du Sud qui ont, globalement, connu le plus grand nombre de phases de défauts de paiement. Un des cas les plus emblématiques est celui de l’Argentine, qui a fait défaut en juillet 2014, seulement douze ans après la faillite de 2001, et pour la cinquième fois depuis 1985. Mais presque tous ses voisins d’Amérique latine, exceptés la Colombie et le Suriname, ont traversé des épisodes similaires depuis les quatre dernières décennies. L’Afrique n’est pas non plus en reste, avec 65 pays en défaut de paiement depuis 1978, le Congo arrivant en tête avec neuf défauts de paiement de 1980 à 2007.
Lire (en édition abonnés) : L'Argentine à nouveau confrontée à la menace du défaut de paiement
On peut toutefois remarquer que les montants des dettes non remboursées n’ont fait qu’augmenter avec les années. Une tendance qui culmine en 2015 avec le cas grec, dont la dette estimée par Eurostat atteignait pas moins de 317 milliards d’euros en 2014. Il s’agit aussi et surtout du plus gros défaut de paiement jamais enregistré par l’institution du FMI, créée en 1944 « pour éviter que ne se reproduisent les dévaluations compétitives qui avaient contribué à la grande crise des années 30 ».


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