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Quelques données
extraites du no. 43 de la revue Alternatives
Internationales, Juin 2009
PAYS
Aujourd'hui, les organismes génétiquement
modifiés (OGM) se résument en pratique à trois cultures :
soja, maïs et coton.
Parmi les populations, le taux d'acceptation est supérieurs
à 65 % aux Etats-Unis, en Chine, en Inde. D'autres grands
pays paraissaient majoritairement favorables aux OGM, comme
le Brésil, le Canada, les Philippines ou le Mexique.
Le taux d'acceptation est en revanche inférieur à 42 % dans
les pays européens (mais égale-ment au Japon ou en Russie).
Font exception quelques pays qui se montrent nettement
favorables : Espagne, Portugal, Ir-lande, Bulgarie et Malte.
Le bilan ? Une seule variété, le maïs transgénique Mon810 de
Monsanto, est actuellement autorisée à la culture dans l'UE.
AVANTAGES
En termes de rendement à l'hectare, les
études soulignent pourtant l'apport marginal de la
technologie OGM. Dans le cas du maïs, les rendements moyens
aux Etats-Unis ont crû de 28 % entre 19911995 et 2004-2008,
mais seuls 3 à 4 % de ce gain est imputable aux semences de
maïs transgénique, l'essentiel de cette hausse étant
attribuable à d'autres facteurs. L'avantage comparatif des
OGM est ailleurs : la simplification du travail de
l'agriculteur et la réduction des coûts de production. Dans
99 % des cas, une plante OGM présente l'une ou l'autre (ou
les deux à la fois) de ces deux caractéristiques : la
tolérance au glyphosate, un herbicide à large spectre, ou un
pouvoir de répulsion des insectes, dû à l'incorporation d'un
gène de Bacillus thuringiensis (Bt), une bactérie
insecticide. La tolérance au glyphosate autorise les
traitements sur une plus longue période de la croissance de
la plante et permet de ne plus employer que ce seul
herbicide.
Autre avantage: cela évite le recours à un désherbage
mécanique. Quant aux cultures Bt, elles offrent une
meilleure résistance aux attaques d'insectes et génèrent des
économies d'insectici-des. En Espagne, dans la région de
l'Aragon, le gain net final, s'élevait à près de 120 euros
l'hectare.
Tout cela serait presque beau si ces OGM qui font lie
bonheur des firmes semencières n'étaient le premier avatar
d'une agriculture chimique et industrielle devenue
insoutenable. Une agriculture énergivore et impropre à
nourrir la planète demain, surtout si la consomma-tion
mondiale de viande - qui requiert de grands espaces
agricoles - devait continuer à croître indéfiniment. Et une
agriculture aux graves impacts environnementaux.
INCONVENIENTS
A
l'Inra un chercheur souligne le développement de mauvaises
herbes désormais résistantes au glyphosate - une dizaine
d'espèces aujourd'hui - lié à l'usage systématique de cet
herbicide. Mêmes problèmes avec les plantes insecticides, où
l'on commence à voir apparaître des in-sectes nuisibles mais
devenus insensibles, ce qui impose de nouveaux traitements.
Ces pro-blèmes de résistance aux substances toxiques se sont
développés avec l'usage abusif de la chimie en agriculture
et ne sont pas propres aux OGM. Mais ces derniers
entretiennent un phénomène auquel on continue de répondre
par la fuite en avant. Les semenciers, explique le chercheur
de l'Inra, mettent par exemple aujourd'hui au point des
variétés tolérantes à un se-cond herbicide, qui pourra
s'ajouter au glyphosate pour maîtriser les mauvaises herbes
rebel-les, qui développeront à leur tour de nouvelles
résistances. Qu'il faudra éventuellement vain-cre par des
doses de plus en plus fortes...
A ce problème, qui prend un tour inquiétant, s'ajoutent de
nombreuses incertitudes, qu'il s'agisse des effets de la
contamination par les OGM d'espèces sauvages et cultivées ou
même de possibles effets toxiques pour l'homme, mais
difficilement décelables quand les autorisa-tions, pour la
consommation humaine et animale, se fondent sur des tests
sur des rats de labo-ratoire limités à... trois mois.
RISQUES
Toute meilleure évaluation des risques se
heurte au secret industriel. Les dossiers techniques et les
informations fournis par les firmes semencières aux
administrations et à leurs comités scientifiques pour
autorisation ne sont pas rendus publics. Ce qui interdit la
contre-expertise.
Un droit que font valoir en toute légalité des firmes en
position d'oligopole - sept d'entre elles, à commencer par
Monsanto, DuPont (Pioneer) et Syngenta, contrôlent 62 % du
marché mondial des semences.
Non seulement ces firmes en confisquent ainsi par
anticipation les éventuels profits mais elles bloquent la
capacité de l'expertise publique ou indépendante à éclairer
des choix nécessaire-ment politiques.
TECHNIQUE
Des OGM dans le monde dont la
caractéristique introduite par transgénèse est d'être
tolérant à un herbicide total, le glyphosate. Cette
caractéristique permet une nouvelle méthode de dés-herbage :
quand on épand le glyphosate, toutes les mauvaises herbes
sont détruites mais la culture n'est pas affectée. L'un des
premiers intérêts pour les farmers est que cela simplifie le
désherbage. Ils utilisent un seul herbicide (au lieu de
devoir en choisir plusieurs selon les plantes à éliminer).
Ce soja transgénique nécessite ainsi moins de passages du
tracteur et la période où l'on peut traiter est un peu plus
longue. Un appréciable gain de temps, que l'agri-culteur
peut consacrer à d'autres activités. Et ce soja s'associe
bien avec la culture en rangs plus serrés (le passage d'un
tracteur pour sarcler entre les rangs n'étant plus
nécessaire).
Certes, l'engagement par contrat de ne pas réutiliser sa
semence la campagne suivante en ren-chérit le coût. Mais en
1996, au moment où les OGM ont les agriculteurs achetaient
de plus en plus de nouvelles semences chaque année avant que
la nouvelle technologie Roundup Ready [le soja tolérant au
Roundup, glyphosate commercialisé par Monsanto, ndr]
devienne disponi-ble. L'une des raisons de ne pas ressemer
est que les firmes améliorent d'année en année leurs
semences.
De plus, si la variété transgénique est un peu plus
coûteuse, cela est généralement compensé par des dépenses
moindres en herbicide (2).
La variété la plus utilisée sur l'exploitation est le maïs
Roundup Ready, pourvu d'un gène ré-sistant au Roundup,
l'herbicide le plus vendu au monde. Mais quand la pyrale du
maïs est en recrudescence, le couple sème une variété dotée
du gène de l'insecticide Bt pour éloigner la vorace bestiole
des plants.
Les multinationales des semences « ont accru leur contrôle
sur les producteurs et font des pro-fits faramineux à leurs
dépens ».
EUROPE
Dès mars 1998, le gouvernement espagnol de
José Marfa Aznar (Parti populaire, droite) auto-rise la mise
en culture de plus de 20000 hectares de maïs Bt176, sans
étude d'impact ni débat public. L'arrivée aux commandes en
2004 du Parti socialiste de José Luis Zapatero ne modifie
pas la donne.
Hormis la République tchèque et la Roumanie (environ 8000
hectares chacun), c'est à peu près tout ce que l'Union
européenne compte de cultures OGM.
Loin d'être une 'success story' l'exemple espagnol montre
que l'agriculture classique est canni-balisée par les OGM.
En république tchèque on utilise « les tracasseries
administratives ». La loi tchèque oblige en effet depuis
2002 les candidats à faire une , déclaration aux services
agricoles avant le 1er mars de chaque année. A informer les
agriculteurs "non-OGM" voisins. A établir une distance d'au
moins 70 mètres entre cultures OGM - et non-OGM. Suivent de
nouvelles obligations de déclaration une fois que le mais
est semé, des formulaires à remplir, à destination, entre
au-tres, du ministère de l'environnement, censé effectuer au
minimum une mission d'inspection par an. Les candidats à la
production d'OGM doivent même - passer un examen!
ARGENTINE
L'Argentine représentait une tête de pont
idéale pour leur diffusion dans les pays du Sud et, pour
l'encourager, le géant américain n'a pas enregistré de
brevet sur sa semence de soja OGM. Les producteurs ont donc
le droit, garanti par la législation argentine, de conserver
une partie de leur récolte pour la ressemer l'année suivante
- un avantage dont ils ne se privent pas. Leurs pairs
nord-américains, qui doivent racheter chaque année leurs
semences, s'en sont même émus.
Le soja transgénique permet en effet de se passer de
désherbage mécanique, puisqu'il intègre un gène de
résistance au glyphosate, herbicide de spectre large qui,
dès lors, suffit à la tâche. Le contrôle des mauvaises
herbes est le principal motif de son adoption par les
producteurs argentins.
Du moins jusqu'en 2000, car la substance active du Roundup,
le glyphosate, est tombée dans le domaine public.
Les taxes à l'export ont représenté 5,4 milliards de dollars
en 2008, près de 12 % du budget de l'Etat. Pilier de
l'économie du pays, le soja transgénique n'a pas pour autant
tenu toutes ses promesses - dont celle d'un usage moindre
des produits chimiques. « Avec le développement de la
monoculture et le recours à un herbicide unique, sont
apparues des mauvaises herbes résistantes, comme le sorgho
d'Alep, très répandu dans le Nord-Ouest et obligeant à
recourir aux anciens herbicides, coûteux et plus toxiques ».
Le glyphosate lui-même doit être utilisé à des doses de plus
en plus massives. Sa consommation a progressé de 210 % de
1997 à 2006
Avec le soja OGM, les traitements aériens sont devenus plus
fréquents. Localement il est dé-sormais interdit , de
répandre des produits agrochimiques à~ moins de 500 mètres
des zones urbaines - 1500 mètres dans le cas de traitement
aérien.
Une Campagne Désertée
La culture du soja est devenue hautement capitalistique. Il
faut des machines puissantes, de grandes quantités de
produits chimiques, du personnel peu nombreux mais qualifié.
Plutôt que de cultiver eux-mêmes, les petits propriétaires
ont intérêt à louer leurs terres à des grandes entreprises :
les pools.
BURKINA FASO
19 février 2008. Le gouvernement ment
annonce le démarrage de la culture commerciale du coton « Bt
», porteur d'un gène d'une bactérie insecticide.
Ce coton permet des rendements de 20 à 30 % supérieurs aux
variétés classiques et réduit le nombre de traitements
insecticides de six à deux.
Monsanto n'a pas non plus lésiné sur les moyens consacrés à
l'organisation de voyages d'étu-des à l'intention des
décideurs et des représentants des producteurs de coton au
Brésil, aux Etats-Unis ou en Afrique du Sud, sans oublier
les invitations de journalistes locaux à des sé-minaires
d'information.
Préoccupations sanitaires. Au Burkina l'huile de coton est
utilisée au quotidien par les ména-ges et où les tourteaux
de coton servent à l'alimentation du bétail. On nous
réplique « Chez nous, l'espérance de vie est de 47 ans, les
problèmes ne sont pas les mêmes qu'au pays de José Bové. »
Les semences. Pour la première, année de mise en culture,
Monsanto les a vendues à prix promotionnel. Mais la firme a
d'ores et déjà annoncé qu'une réévaluation régulière de ses
ta-rifs serait opérée, « compte tenu de la valeur ajoutée
qu'elles représentent pour les agriculteurs ». En cas de
résultats décevants, les paysans qui doivent acheter leurs
semences à crédit pour-raient alors se retrouver pris au
piège de l'endettement et avoir bien du mal à produire un
co-ton qui fait vivre l'ensemble du pays.
Les Bonnes Années. La filière coton représente le quart du
PIB burkinabé et rapporte 60 % des recettes d'exportation.
La campagne agricole 2005/2006 avait enregistré une
production de coton graine de 700000 tonnes. En 2007/2008,
elle était tombée à 360000 t.
En 2009, le prix international était encore en repli - 1,05
$/kilo, contre 1,90 $/kg en 2008. Elle souffre surtout de la
sévère concurrence des cotonculteurs américains, dont les
exportations continuent d'être largement subventionnées par
Washington.
INDE
Vidarbha était autrefois « le pays de l'or
blanc »; aujourd'hui, on l'appelle « le pays des suici-des
». Il y en aurait trois chaque jour parmi les paysans de la
région, depuis l'introduction du coton Bt (1) en 2002 ».
Les graines de coton Bt étaient dix fois plus chères que les
semences conventionnelles, avant que l'Etat n'impose à
Monsanto, en 2006, de réduire ses prix de moitié. Mais en
Inde, où la firme a acquis le principal semencier du pays -
Mahyco - et se trouve en position dominante, le prix du
coton Bt reste trois fois plus élevé qu'en Chine.
« Engrais, insecticides, semences : tous les coûts grimpent,
tandis que le prix du coton est tiré vers le bas par les
subventions que les Etats-Unis versent à leurs producteurs.
Le coton Bt en-traîne les paysans toujours plus profond dans
la misère ».
Le coton Bt s'est révélé très dépendant de bonnes conditions
d'irrigation. « Or, plus de 97 % des terres du Vidarbha sont
arides et non irriguées ». D'autres faits démentent les
succès van-tés par les semenciers. Dans la région, les
cultures ont été assaillies par les insectes, entraînant une
hausse du recours aux pulvérisations. << On commence déjà à
voir une résistance des in-sectes au coton Bt », affirme une
étude du Central Institute for Cotton Research.
Les semenciers leur promettent chaque fois que la nouvelle
variété mise sur le marché résou-dra les problèmes
rencontrés lors de la précédente campagne.
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(1) Coton Bt, comportant un gène de Bacillus thuringiensis,
une bactérie insecticide.
Nourrir demain 9 milliards d'hommes est
un défi immense et il n'y a pas de solution simple. Les OGM
n'éradiqueront pas la faim.
[ Michel Griffon, du CIRAD ] Je ne suis pas a priori hostile
à l'usage en dernier recours d'OGM résistant au stress
hydrique ou au sel; pas non plus à des OGM résistant à des
virus. Mais à condition de beaucoup mieux maîtriser la
transgénèse. A condition également de res-pecter les
critères prudentiels que j'ai évoqués et qui devraient être
définis de manière démo-cratique. Et à condition que ces OGM
ne soient pas un bien privatif dont profitent une poignée
d'entreprises et leurs actionnaires. Toutefois, avant de
songer à la transgénèse pour améliorer les performances
d'une plante, il faut développer les voies classiques que
sont la sélection et le croisement.
Enfin et surtout, il faut sortir de la croyance selon
laquelle l'amélioration de la performance de la plante, par
transgénèse ou moyens classiques, est le principal levier
pour amplifier les ca-pacités productives des écosystèmes
N'oublions pas que les principaux acteurs de la recherche
sur les OGM sont les grandes fir-mes, qui ne servent pas
précisément l'intérêt général.
Encore une fois, ce à quoi nous nous opposons, c'est à la
dissémination de transgènes dans l'environnement, et au
système agroindustriel auquel les OGM sont liés. , Les
firmes semen-cières sont au cœur de ce système. Leur
rémunération est garantie par le régime des brevets, qui
interdit aux agriculteurs de ressemer librement une part de
leur récolte.
Ainsi, un bien commun de notre humanité deviendrait un bien
privatif. Ce qui philosophi-quement heurte mes conceptions.
Je suis également contre les brevets sous leur forme
actuelle car dans le contexte d'un marché des semences
dominé par une poignée de firmes, ils poussent à la
constitution de monopoles.
La Chine cherche à développer actuellement des variétés de
riz transgénique en s'affranchis-sant du pouvoir des firmes.
Or cela ne sera,, pas possible, comme l'a souligné une étude
de Greenpeace : pour construire, puis commercialiser leur
riz OGM, ils devront reverser des royalties liées à l'emploi
d'un certain nombre d'éléments appartenant à Monsanto.
Le problème se pose aussi pour les « OGM du futur » : des
dizaines de gènes impliqués dans la résistance au changement
climatique ont déjà été brevetés par des firmes privées.
Supposons qu'une firme réalise un OGM dont on puisse penser
a priori qu'il est intéressant. L'équivalent de cet OGM sera
difficile voire impossible à réaliser par la recherche
publique, car celle-ci devra acheter le droit d'accéder à un
grand nombre d'éléments déjà brevetés. Plus le temps avance,
plus il y a un effet de verrouillage. Et moins la recherche
publique est en me-sure de réaliser ce que fait la recherche
privée, moins elle peut émettre, au nom de l'intérêt
général, des avis d'experts. Seul le riche pool des
universités nord-américaines dispose d'un volume de brevets
qui permet un dialogue avec les firmes, c'est-à-dire un
échange de droits d'accès. En Europe, il est
vraisemblablement déjà trop tard. Peu à peu, le territoire
potentiel de la recherche publique se restreint. C'est
grave.
Inf'OGM Veille citoyenne sur les OGM
www.infogm.org
UCS Union of Concerned Scientists www.ucsusa.org
CIRAD Centre de coopération internationale en recherche
agronomique www.cirad.fr
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