Les grands enjeux de 2014 (2/4): la Chine malade de son système bancaire
Enjeux 2014
La Chine veut développer son secteur
privé. Mais l'opacité et l'innefficacité de son système bancaire
pourraient compromettre ses efforts. (Photo : Reuters)
Romain Renier
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Série: quels seront les grands défis de 2014 pour l'économie
mondiale? .Deuxième volet : les difficultés rencontrées par le système
bancaire chinois, au coeur des réformes à venir.
"Peu importe que le chat soit noir ou gris, pourvu qu'il attrape les souris," avait déclaré Deng Xiaoping en 1961. Cet adage, inspiré du Prince
de Machiavel et annonciateur du tournant chinois vers le "socialisme de
marché" de 1978, est révélateur du pragmatisme des dirigeants du pays.
Il est plus que d'actualité en 2014, le nouveau chat de Pékin
consistant en un pas de plus vers la libéralisation de l'économie pour
s'éloigner un peu plus de la Chine communiste de Mao.
Après le ralentissement de l'économie mondiale suite à la crise de
2008, les dirigeants du pays ont en effet pris conscience qu'ils ne
pouvaient dépendre ad vitam eternam de la croissance des
grandes économies occidentales pour exporter et accueillir des
investissements. Leur obsession depuis est de rééquilibrer la croissance
du pays en développant un secteur privé qui investit et une classe
moyenne qui consomme. Bref, développer un véritable marché intérieur.
Mais il leur faudra agir avec beaucoup de tact pour faire face aux défis
qui les attendent.
Le spectre du credit crunch
Car la tâche n'est pas simple. Les maux du pays pourraient en effet
se cristalliser en un seul : un système bancaire peu efficace et dont la
solidité pose régulièrement question.
En témoigne la tentative par la banque centrale de mettre fin à une
croissance effrénée mais inefficace du crédit, qui s'était soldée par de
fortes tensions sur le marché interbancaire chinois au jour le jour et
avait fait planer le spectre d'un credit crunch sur l'économie du pays en juin dernier.
Face à la panique, la banque centrale s'était ravisée en déversant en
urgence quelque 50 milliards de yuans (6,15 milliards d'euros) afin
d'assurer le refinancement des nombreuses banques régionales
surendettées et en panne de liquidités.
Mauvaise allocation du crédit
Le besoin d'un assainissement du secteur financier est pourtant
criant. Après la crise financière de 2008, les banques régionales
chinoises ont servi de relais à la politique monétaire expansionniste de
la banque centrale pour soutenir l'investissement.
Mais la majeure partie des liquidités a été captée par les grandes entreprises d'État et les gouvernements locaux,
soupçonnés d'être des viviers de corruption, au détriment de
l'investissement productif. L'endettement des gouvernements locaux, qui
ne peuvent officiellement s'endetter mais qui le font via des sociétés
écran, atteint d'ailleurs des sommets inquiétants.
Beaucoup de ces liquidités captées pourraient aussi avoir tout
simplement été perdues au gré d'investissements malheureux sans que la
position d'emprunteurs privilégiés de ces "champions étatiques" ne soit
remise en cause par les banques. Ces dernières ont d'ailleurs subi de violentes critiques de la part de l'ancien chef économiste du bureau des statistiques Yao Jingyuan, pour qui leur gestion est totalement automatisée, dénuée du sens de l'investissement.
L'ombre du shadow banking
Les difficultés qu'ont les entreprises privées à se financer et la
main mise qu'ont les entreprises d'État sur le crédit ont par ailleurs
favorisé la création d'une finance de l'ombre, le fameux shadow banking.
En clair, les très puissantes entreprises d'État face auxquelles
Pékin a du mal à s'imposer, ont profité des taux bas dont elles
bénéficient pour réaliser des marges en prêtant aux entreprises privées
par le biais de prêts informels. Résultat, en plus d'un manque
d'efficacité patent, il est très compliqué d'estimer l'exposition au
risque des banques chinoises. Difficile, donc, de libéraliser et de
développer l'investissement privé sans recours aux capitaux étrangers
dans de telles conditions.
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