Từng Châu, từng quốc gia, từng chủ nghĩa, từng đạo phái, từng quyền lực siêu hình, vô hình đang có những rung chuyển có thể làm rúng động toàn cầu.
Vài năm trước đây, đã bắt đầu có dấu hiệu thay đổi, nhưng chưa được rõ nét lắm cho đến một ngày không như mọi ngày.
Ngày đó bắt đầu như thế nào?
Tại sao những cường quốc đều im hơi lặng tiếng khi Trung Quốc xây những quần đảo nhân tạo?
Tại sao Âu châu đang thành lập một khối với nhiều quốc gia muốn tham gia thì lại có con sâu làm rầu nồi canh?
Tại sao có những vị Tổng Thống như Tổng Thống pháp đang gần hết nhiệm kỳ hay 1 tân Tổng Thống như ở nước Mỹ...
Giời ạ, mấy vị thầy bói được dịp đầu năm dương lịch tha hồ mà gieo quẻ, trúng, sai, ai mà biết vì thiên cơ bất khả lậu.
Mời quý anh chị đọc bài báo chí pháp viết.
Caroline Thanh Hương
Géopolitique
: ce que 2017 nous réserve
Le monde
n'est jamais apparu, depuis 1945, et malgré la guerre froide, comme aussi
dangereux... Aussi bien pour la paix que pour les valeurs de droit et de
liberté.
Par Nicolas
Tenzer*, TheConversation.com
Publié le
03/01/2017 à 15:13 | Le Point.fr
Boris
Johnson, ministre des Affaires étrangères britannique, et le secrétaire d'État
américain John Kerry, au Conseil de sécurité de l'ONU, le 21 septembre
2016. © AFP/ TIMOTHY A. CLARY
Le monde en ce
début de l'année 2017 est un champ de ruines et, en de nombreuses régions,
un charnier à livre ouvert. Pour les historiens futurs, s'il s'en
trouve encore, l'année qui vient de s'achever apparaîtra comme un tournant
tragique de l'histoire mondiale, un de ces moments où la vision du gouffre n'a
jamais été aussi proche. Le monde n'est jamais apparu, depuis la fin de la
Seconde Guerre mondiale, malgré les risques de cataclysme de la guerre froide,
comme aussi dangereux tant pour la paix que pour les valeurs de droit et
de liberté. Nous n'avons jamais eu autant besoin de dirigeants dotés d'un sens
historique et de principes.
L'élection de Donald Trump, qui prendra ses fonctions le 20 janvier,
achève de précipiter le monde dans l'imprévu et inaugure, en un grimaçant
requiem, une nouvelle ère du politique au moment même où la première
menace, globale et multiforme, celle de la Russie de Vladimir Poutine, dérègle l'ordre mondial –
et telle est sa finalité même. Elle renforce aussi la marche des
démocraties vers l'abîme sous les coups de boutoir de leurs propres démons.
Tandis que, sur la scène internationale, dans la nouvelle réalité
orwellienne du monde, la guerre est qualifiée de paix, une victoire sanglante
de marche vers la concorde, et un régime terroriste de pouvoir légitime, les
principes de base de l'existence démocratique – vérité, respect des faits,
justice, règle de droit – se trouvent peu à peu détruits avec l'aide d'une
puissance étrangère.
Conjectures
et conjoncture
S'il paraît
nécessaire d'imaginer ce que pourrait donner l'extrapolation des tendances
constatées au cours de l'année 2016 – le tableau pourrait être extrêmement
rapide –, il importe surtout de comprendre les leviers à partir desquels les
tenants d'un ordre mondial plus sûr, conforme au droit et accordant toute leur
place aux organisations internationales pourraient agir. Je ne crois pas qu'il
faille ici se départir de toute espérance, mais pour ne pas céder aux illusions
de l'utopie, d'une auto-organisation vertueuse spontanée ou
d'un changement radical dans les orientations des dirigeants des pays
les plus inquiétants, les forces libres de chaque pays doivent comprendre
comment peser.
Le
prolongement mécanique des tendances de l'année 2016 dessine un monde
dangereux qui pourrait bien marquer la fin de l'ordre international tel que
nous le connaissons. Après l'invasion de l'est de l'Ukraine et l'annexion de la
Crimée, la Russie pourrait être
tentée de tester la résolution des pays de l'Otan et principalement des États-Unis
d'appliquer l'article 5 du traité (garantie automatique de
défense mutuelle), par exemple en faisant une incursion sous un prétexte
quelconque dans l'un des États baltes. Il n'est pas sûr que leur réponse soit
adéquate, ce qui signifierait la déliquescence de l'Alliance.
Incitée par
la levée des sanctions à l'encontre de la Russie décidée par le
gouvernement Trump, l'Europe
pourrait aussi, en raison d'un revirement français, lever les siennes –
lesquelles n'ont tenu que grâce à la force du couple franco-allemand.
Parallèlement, l'épuisement du processus engagé dans le cadre du format de
Normandie conduirait au constat de décès des accords de Minsk ou à un
déséquilibre dans leur application au profit de Moscou. Dans un contexte de
reprise de l'offensive depuis quelques mois, la guerre russe pourrait, dès
lors, reprendre en Ukraine avec une intensité encore accrue sans aucune
conséquence, les États-Unis, la France et quelques autres États européens ayant
de fait signifié au Kremlin leur nihil obstat. Minée par
les divisions sur la stratégie géopolitique et l'enracinement lors de
plusieurs élections de mouvements peu respectueux des droits fondamentaux,
occupée à gérer la face absurde du Brexit, l'Europe se trouverait de plus en
plus marginalisée sur la scène internationale.
Au
Moyen-Orient, la nouvelle lune de miel entre Washington – mais
aussi Ankara – et Moscou aboutirait à un démantèlement effectif de la
Syrie, au renforcement des mouvements terroristes et à une politique toujours
plus répressive de plusieurs pays de la région,
notamment l'Égypte et la Turquie. La nouvelle incohérence de la
politique américaine, le jeu intrinsèquement instable de la Russie et
la division accrue de l'Europe conduiraient à rendre encore plus incertains les
fragiles perspectives de paix en Libye, les progrès vers la stabilisation
politique et des réformes d'ampleur en Tunisie et une meilleure
inclusion dans le jeu diplomatique des pays du Golfe, notamment l'Arabie
saoudite, sans même évoquer la déshérence de tout processus de paix en Israël
et la continuation des massacres de civils au Yémen. Enfin, échaudée
par une politique hostile de Washington, mais sans en craindre de vraies
représailles en raison du nouvel isolationnisme américain, Pékin pourrait trouver là une nouvelle incitation à accélérer sa
domination en mer de Chine du Sud et à affirmer sa puissance devant
une alliance russo-américaine menaçante à ses yeux. Le subtil équilibre
trouvé avec Taïwan serait également menacé et la zone Asie-Pacifique
deviendrait le lieu de tensions à l'issue imprévisible.
Espérance 1
: de l'ordre mondial russe à un nouvel équilibre
L'année 2017
s'ouvre sur un ordre mondial dominé par la Russie. Moscou semble en effet avoir
dicté l'ordre du jour des relations internationales pendant toute
l'année 2016. En Syrie d'abord en imposant une trêve devant déboucher
sur un accord de paix selon ses propres termes après avoir, indirectement
d'abord, directement ensuite, ravagé le pays. En Ukraine, aussi, où ses forces
repartent à l'offensive dans le Donbass, et en Europe où des candidats
pro-russes ont remporté plusieurs élections et où ses idées gagnent du
terrain. En Turquie, où elle a réussi à obtenir un renversement
d'alliance ; aux États-Unis, où elle a contribué à faire élire le
président de son choix ; à l'ONU enfin, dont elle a bloqué le
fonctionnement régulier du Conseil de sécurité.
Pour autant,
il n'est nul fatalisme à ce que cette tendance se poursuive inchangée en 2017.
En Europe, et singulièrement en France, les élections à venir peuvent voir la
défaite de ceux qui entendent pratiquer une politique d'indulgence envers
la Russie. Les cyberattaques et la propagande invasive de
Moscou peuvent se retourner contre leurs auteurs et conduire à une prise
de conscience de l'opinion. Aux États-Unis, de nouvelles attaques
affectant la vie des Américains peuvent rendre la position pro-russe de Donald Trump intenable et il
peut être contré par le Congrès, voire par certains membres de son équipe,
soucieux de conserver la Turquie dans le camp occidental et dans l'Otan, de ne
pas se priver de l'alliance avec les pays du Golfe, et désireux de ne pas
laisser l'Iran s'installer en pays conquis dans de larges parts du territoire
syrien.
La Chine
elle-même ne verrait pas d'un bon œil la Russie s'installer comme puissance
dominante et elle a de plus en plus besoin d'institutions internationales qui
fonctionnent, ce que Moscou entend empêcher. L'accord trouvé entre la Russie et
les pays du Golfe, notamment sur une limitation de la
production permettant une hausse du cours du brut, pourrait aussi
être remis en question en raison des rivalités géostratégiques, privant le
Kremlin du bol d'air offert par leur remontée. Dès lors, un nouvel équilibre
pourrait s'installer dans lequel Moscou se trouverait en face d'un
environnement de plus en plus hostile, l'empêchant, en particulier au
Moyen-Orient, de poursuivre son œuvre. Les accords de paix qu'elle entend
pousser dans les prochains mois pourraient être remis en cause par les
divergences des principaux acteurs, notamment Ankara et Téhéran.
Espérance 2
: la modération chinoise
En mer de
Chine, Pékin, qui a tendance à agir comme acteur rationnel dans la perspective
d'accord de long terme, pourrait trouver que la meilleure réponse à la
politique plus offensive de l'Amérique est la modération. L'enterrement annoncé
par Donald Trump de l'accord commercial trans-pacifique pourrait être
une incitation forte à renforcer encore ses propres accords avec
les pays de la zone et à jouer la carte de l'apaisement afin de dissuader
ceux-ci de se tourner vers Washington, voire à suivre les États-Unis dans des
liens plus coopératifs avec la Russie. Encore hésitante à jouer pleinement un
jeu global, la Chine pourrait tenter de reprendre la main au sein des
organisations internationales, y compris aux Nations unies, où elle a joué
jusqu'à présent un jeu plutôt suiviste.
L'inquiétude
suscitée dans la région par la nouvelle ère américaine et, parallèlement,
l'accentuation des doutes sur la garantie de sécurité des États-Unis
constituent pour Pékin une opportunité de premier plan. De surcroît, la Chine
continue de disposer d'instruments de pression commerciaux et financiers
– quoique désormais plus limités – sur Washington, et il n'est pas
exclu que le gouvernement Trump finisse par comprendre qu'une brouille durable
avec Pékin n'est pas de l'intérêt de l'Amérique. En somme, plus que jamais sans
doute, la Chine dispose d'une capacité d'initiative exceptionnelle.
Espérance 3
: l'Europe résiste
Dans
l'hypothèse déjà évoquée de l'arrivée au pouvoir de gouvernements conscients
des risques que fait subir à l'Europe une Russie remise au centre du jeu
mondial et de l'imprévisibilité de la présidence Trump, les capitales
européennes pourraient retrouver la force de l'union. Soudés par la nécessité
de combattre ceux qui s'opposent aux valeurs européennes les plus
fondamentales, Paris, Berlin et Rome et les pays du Benelux notamment
pourraient prendre de nouvelles initiatives pour relancer le processus
européen.
Au-delà de
la proposition franco-allemande visant à renforcer l'Europe de la défense,
les pays européens s'uniraient pour contrer les actions de désinformation
engagées par Moscou, d'abord pour saper ses valeurs. Dépassant le stade
purement technique – cette dimension-là étant elle-même dotée de plus de moyens
–, les dirigeants ressentiraient la nécessité de mieux communiquer en direction
de leurs opinions publiques sur le lien entre ces principes politiques et la
menace géopolitique. Dans ce contexte, l'Europe ferait preuve d'une fermeté
accrue à l'égard des pays – Hongrie, Pologne notamment – qui
connaissent aujourd'hui des dérives inquiétantes. Dans ce contexte, l'Europe
tiendrait bon sur les sanctions à l'égard de la Russie, qui seraient
régulièrement renouvelées. À l'occasion du renouvellement du président du
Conseil européen, une personnalité de premier plan serait nommée.
Plusieurs étapes concrètes seraient enfin engagées dans le secteur de la défense
européenne au cours de l'année 2017, en étroite liaison avec l'Otan ;
au-delà des interrogations sur le devenir de l'organisation. De surcroît,
les principaux pays européens, dont la France et l'Allemagne, mais aussi le
Royaume-Uni, se porteraient en première ligne pour lancer des initiatives au
Moyen-Orient, notamment en Syrie et au Yémen.
Enfin,
devant les difficultés juridiques quasi insurmontables du processus,
les conséquences ravageuses pour des pans entiers de l'économie et la
nécessité d'un sursaut lié à l'élection américaine, la perspective du Brexit
s'éloignerait de l'horizon. De plus en plus de voix au Royaume-Uni, y compris
d'anciens Brexiters, s'élèveraient en faveur d'une renonciation que les
analystes internationaux considéreraient de plus en plus comme possible, sinon
probable.
Espérance 4
: le Moyen-Orient, de la guerre de tous contre tous à l'apaisement
Sur le front
moyen-oriental, l'accentuation des tensions entre la Turquie et l'Iran sur la
Syrie, le souci des pays du Golfe d'entrer à nouveau dans le jeu, les
pressions maintenues des Européens concernant le départ de Bachar el-Assad,
l'inquiétude nouvelle de l'Amérique de Trump concernant les risques de
renforcement de Téhéran dans la région, conduiraient les pays européens et
certains États de la coalition dans la lutte contre Daech en Irak à reprendre
la main pour organiser une transition politique à Damas. Ils pourraient
parvenir à écarter Assad du pouvoir et à nommer un gouvernement de transition.
Pendant ce temps, les États-Unis et l'Europe, comprenant l'absence de lutte
sérieuse contre le terrorisme de la Russie et du régime baasiste, se mettraient
d'accord pour accentuer les moyens consacrés à la lutte contre l'État
islamique, cet effort se traduisant en particulier par la reprise symbolique de
Raqqa, « capitale » du terrorisme islamique.
Parallèlement,
la libération de Mossoul, les pressions accentuées de l'Amérique et de l'Europe
en faveur d'un gouvernement plus équilibré en Irak, permettraient
d'envisager une relative stabilisation de la région. Enfin, échaudée par un jeu
russe trop tourné vers l'Iran, Ankara réaffirmerait son engagement dans
l'Alliance et s'engagerait dans une attitude moins répressive sur le plan
interne. Quant à l'Iran, pressé par l'Europe comme par les États-Unis d'organiser
le repli de ses milices en Syrie, voire en Irak, déjà abandonné par le Hamas en
Palestine, en échange de garanties sur la poursuite de l'accord nucléaire, il
finirait par consentir au départ d'Assad en échange de garanties de
représentation – et de protection – de la minorité alaouite.
De la
résilience à la résistance
Ces quatre
espérances ne sont pas des actes de foi, mais elles n'expriment pas non plus
des utopies sans fondement. Elles ne visent qu'à dessiner un chemin pour
l'action. Pour l'instant, les démocraties ont réussi à rester fortes et fermes
devant les actes terroristes qui les ont frappées – ce qu'on appelle la
résilience – ; certains aujourd'hui se préparent à la résistance, voire à
la dissidence, notamment aux États-Unis et dans certains pays – à nouveau
– de l'Europe de l'Est, peut-être bientôt en France. Si l'on souhaite que les
scénarios d'espérance aient une chance de se réaliser, au moins partiellement,
une prise de conscience doit se faire jour sur quatre points.
D'abord, les
dimensions internes et externes sont plus que jamais liées. La lutte pour le
droit, les droits de l'homme, la démocratie, la vérité, la justice et les
libertés sur le plan intérieur est nouée à ce combat dans l'ordre
international. Cela doit être aujourd'hui compris, et c'est en cela que la
question russe est primordiale. Ensuite, les précédents historiques doivent
nous éclairer, quand bien même nous devons tenter de comprendre la dimension
inédite de chaque période. Certes, les sombres temps sont de
retour et nous pouvons discerner des traits communs, du moins dans nos
perceptions subjectives, avec ce que Le monde d'hier de
Stefan Zweig pouvait exprimer. Hannah Arendt avait aussi décrit la manière
dont les régimes de type totalitaire utilisaient le mensonge et la
subversion des notions de vrai et de faux et de bien et de mal. Sur le plan de
la tactique militaire de destruction totale, Alep a pu être à raison
comparée à Grozny. Mais les modes actuels de propagation de l'information et de
la désinformation ont changé ; l'ampleur de la destruction possible des esprits
et de la liberté est potentiellement sans commune mesure. La surinformation va
aussi parfois de pair avec la sous-analyse. La distance entre la visibilité
totale des abominations quasiment en direct et l'absence d'action a aussi des
effets ravageurs sur la solidité de la démocratie, sa crédibilité et
le sens commun. Ceci doit être analysé.
En troisième
lieu, pour notre pays, la France, nous ne saurions ni sous- ni surestimer son
rôle, mais devons comprendre les conséquences d'un revirement de sa position.
Récemment, à New York, le chef économiste d'une grande agence de notation me
confirmait mon appréhension : selon certains de ses collègues et lui-même, la
France était en 2017 le principal risque en Europe – plus important donc que
ceux liés au Brexit et aux incertitudes italiennes. Aujourd'hui, si la France
bascule du côté de la Russie, cela signifie la concrétisation possible d'un
double danger : l'impossibilité pour l'Allemagne seule de défendre sa position
et donc le désengagement de l'Europe de la question ukrainienne, alors même que
la révolution de Maidan avait été faite au nom des valeurs européennes, mais
aussi du Moyen-Orient ; ensuite, l'affaiblissement durable de l'Europe, Paris
se disqualifiant pour porter avec Berlin un projet européen. Bien sûr, cela
entraînerait aussi l'affaiblissement de la France au Conseil de sécurité des
Nations unies et, pour cette double raison (européenne et mondiale),
l'incapacité future de l'Europe de peser en face des États-Unis.
Enfin, dans
l'ensemble des pays occidentaux et sans doute aux États-Unis de manière la plus
immédiate, se trouve posée la question de la solidité des institutions. Mes
discussions récentes à Washington m'ont montré que c'était le point d'inconnue
majeur, les hypothèses entendues étant contrastées. Le rôle futur du
Congrès dans la « modération » de la présidence Trump sera le
premier test de robustesse. Mais cette question institutionnelle,
outre-Atlantique comme en Europe (singulièrement aussi d'ailleurs au
Royaume-Uni dans la perspective de la suite de l'aventure Brexit), se pose non
seulement pour les parlements, mais aussi pour les partis politiques, la
société civile et le monde intellectuel.
S'ils ne
parviennent pas à prendre position et à agir en fonction d'abord de l'intérêt
du monde et des valeurs premières, il n'y a aucune raison pour que 2017 ne
singe pas – avec des conséquences potentiellement irrémédiables – 2016.
*
Nicolas Tenzer
est chargé d'enseignement « International Public Affairs », à
Sciences Po – USPC.
Géopolitique
: retour aux règles du jeu
Article
rédigé par Thomas Flichy de La Neuville, le 05 octobre 2015
Le monde
change, mais les réalités humaines et historiques demeurent. Tandis que les
certitudes géopolitiques du XXe siècle de la modernité volent en éclat, le réel
reprend ses droits : c’est l’homme qui fait l’histoire et la puissance, la
culture, pas le marché.
Jusqu’à une
date récente, la vie d’un homme constituait une fenêtre d’observation très
limitée pour mesurer les mutations géopolitiques du moment. Les civilisations
pouvaient mettre plusieurs siècles à s’effondrer, et le regard porté par un
individu sur l’ascension où la chute des empires, devait être confronté à
plusieurs générations d’analystes afin de prendre tout son sens. Il semble que
les temps aient changé.
Nous sommes
en effet en train de vivre une accélération si vive que quelques années à peine
nous permettent déjà de mesurer d’importants bouleversements dans notre
environnement. À moins que nous nous situions à la charnière précise de deux
époques ? Seuls nos descendants pourront le savoir. Toujours est-il que d’un
point de vue géopolitique, les paradigmes, qui constituaient en quelque sorte
la boîte à outils du chercheur d’hier, se sont révélés inopérants. Quels
sont donc les paradigmes qui ont changé ? Par quoi ont-ils été
remplacés ?
Le
premier postulat erroné consistait à penser que la sécurisation des réserves
d’hydrocarbures
constituait la clef principale d’interprétation du jeu géopolitique mondial.
Contrairement
aux prévisions, non seulement le pétrole n’a pas manqué, mais il a été
découvert en telle abondance et à des endroits si variés que les tensions
autour des hydrocarbures se sont apaisées. La première conséquence en est le
retrait des États-Unis du Moyen-Orient et d’Afrique de l’Ouest : dans
quelques années à peine, les États-Unis seront exportateurs de leur propre gaz
liquéfié. Le Moyen-Orient va devoir faire sans eux.
Les
conséquences en sont considérables car le pétrole pourra désormais plus
difficilement nourrir la guerre, où à l’inverse permettre à des gouvernements
d’assurer la paix sociale grâce à la distribution de la rente qu’il procure.
Le
deuxième paradigme erroné est celui de la dissolution des facteurs culturels et
politiques dans le marché : les États qui ont laissé les rênes de la politique étrangère au
jeu antagonistes des lobbys industriels et militaires se sont trouvés tout
bonnement dépossédés de leur politique étrangère. Bien malgré eux ont-ils semé
le chaos.
Le troisième
paradigme biaisé consistait à croire que le développement technologique
permettrait un progrès conjoint de l’information et de la raison. C’est exactement l’inverse qui
s’est produit : l’interconnexion des flux d’information a eu pour
conséquence l’appauvrissement généralisé de l’analyse. Dans Les Lois de
l’imitation (1890), Gabriel Tarde notait qu’en se contre-imitant,
les hommes allaient s’assimilant de plus en plus. C’est bien ce qui s’est passé
en matière géopolitique où l’interprétation médiatique dominante –
considérée avec une grande suspicion par le public, malgré l’appel aux experts
extérieurs légitimateurs de la parole médiatique – fait immédiatement naître
une contre-interprétation aussi fascinante que peu fondée. Entre ces deux
extrêmes seuls peuvent survivre des analystes disposant de leurs propres
informateurs.
Culture, créativité, démographie : les paradigmes
prétendument désuets d’hier, se sont révélés opérants
Face à ce
triple effondrement de certitudes, quels sont les clefs d’interprétation du
présent ? Tout simplement les critères classiques et oubliés de la
puissance.
En
premier lieu, l’estime collective de soi, donc la force des valeurs culturelles
et religieuses :
le cours de l’histoire étant déterminé par de petites minorités émotives à
culture forte, prêtes à se faire tuer pour leurs idées. Par conséquent, les
espaces de paix de demain seront non seulement dotés de frontières
protectrices, mais encore enracinés dans une identité qui garantira l’harmonie
intérieure.
L’on
s’étonnera peut être en Europe que les musulmans du Caucase prient actuellement
pour la Sainte Russie, ces prières ont pourtant pour effet de les intégrer
davantage qu’au sein de tout autre pays d’Europe occidentale.
En second
lieu, le dynamisme en matière d’innovation et de travail : la recherche et la créativité
de quelques-uns constitue en effet le fer de lance du développement économique.
Ce dynamisme est entre les mains des minorités actives. Il
s’incarne dans une figure suprême : le Prince. Dans un monde marqué par un
chaos grandissant, tout se passe comme si la loi ne suffisait plus si elle
n’était couronnée par une figure prophétique.
Si la Russie
ou l’État islamique ont fait le choix du retour du Prince, d’un homme
sur la tête duquel se cristallise la popularité, les démocraties occidentales
représentées par des hommes de bureau interchangeables, restent encore aux
mains de petits fonctionnaires sans imagination ni goût du risque. Ceux-ci ne
peuvent naturellement incarner la violence légitime. Au Prince de guerre s’oppose
en effet le Technicien suprême.
Le
troisième critère de la puissance est le dynamisme démographique : celui-ci repose souvent sur
le dynamisme d’une minorité. Nous descendons de 25 % des Français de 1789. Les secondaires n’ont-ils
pas la capacité de se projeter dans l’avenir par une démographie
responsable c'est-à-dire riche en enfants ? La puissance repose ainsi
sur une poignée d’individus émotifs, actifs et secondaires. Ces passionnés sont
le moteur de l’histoire, car ils constituent la minorité créative, décrite par
Toynbee.
À lire
certaines analyses, le monde unipolaire d’hier cèderait aujourd’hui la place à
un environnement multipolaire. Cette prétendue évolution révèle un grand
manque d’imagination. Nous n’évoluons pas vers notre contraire mais bien vers autre
chose. Cet autre chose ne s’est pas totalement dessiné sous nos yeux.
Ce qui est
certain, c’est que les réalités de demain ne seront pas les enfants réguliers
et légitimes des discours biaisés d’hier. S’il est un grand agrément pour les
vendeurs de mirages de prétendre façonner le monde de demain, les réalités ont
pour mauvaise habitude de résister aux constructions intellectuelles
fallacieuses. En un monde qui connait une véritable éclipse de l’intelligence,
« seuls, quelques sauvages esprits, étrangers, sous leur cloche à
plongeur, au tumulte de l'océan social où ils sont plongés, ruminent çà et là
des problèmes bizarres, absolument dépourvus d'actualité. Et ce sont les
inventeurs de demain ».
C’est
l’analyse que fait Bernard Lugan pour l’Algérie.
Benoist-Méchin
écrivait dans Soixante jours qui ébranlèrent l’Occident, qu’entre la
France et l’Allemagne, 3 500 000 hommes s’affrontent en 1940, mais que
toutefois, cet équilibre n’était qu’apparent :
« L’Allemagne
qui puise ses soldats dans une population de près de 80 millions d’âmes est
parvenue à ce chiffre en mobilisant sept classes de 500 000 hommes. La France,
avec sa population de 41 millions a dû recourir à 15 classes à 240 000 hommes.
Résultat, la moyenne d’âge de l’armée française se situe aux alentours de 29
ans, alors que celle de la Wehrmacht est inférieure à 23 ans. Cette différence,
peu sensible lorsqu’il s’agit de deux individus, représente un écart énorme
lorsqu’elle porte sur des masses de plusieurs millions de combattants. Elle
s’accentue encore du fait que l’armée la plus jeune est puissamment motorisée,
alors que la plus vieille est contrainte de marcher à pied ».
Thomas
Flichy de La Neuville est professeur à l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr.
Après avoir lu ces 2 articles qui sont fort intéressants mais aussi très compliqués à comprendre.
RépondreSupprimerToutefois, espérons que la situation dans le monde s'améliore.
Merci Carol d'avoir sélectionné pour nous des "choses" rares et précieuses.
Thanh Vân.
Qui vivra verra...
RépondreSupprimerMerci chi Thanh Vân.
CRTH