Lors d’un récent voyage en Chine, j’assistai à la
réalisation d’une calligraphie par un maître :
ses yeux plissés, ses cheveux blancs et sa silhouette frêle
ne faisaient que renforcer l’impression de sagesse qui se dégageait
du vieil homme. Le pinceau glissait sur la feuille d’un mouvement
sûr et les curieux qui regardaient la scène ne soufflaient
mot, chacun retenant son souffle, conscient que le moindre bruit
aurait pu troubler la concentration de l’artiste.
|
|
Une fois son travail fini, le calligraphe posa son pinceau et contempla
son œuvre, il prit une pierre, la trempa dans l’encre rouge et apposa
sa signature sur la feuille. Cette marque rouge fut comme la fermeture
d’une parenthèse, les bavardages reprirent et les badauds
continuèrent leurs activités.
Pour ma part, je restai admiratif et silencieux, m’interrogeant
sur la signification de cette petite empreinte rouge qui ornait
la calligraphie du vieil homme.
|
Bien plus qu’une simple signature,
les sceaux sont une forme d’art à part entière.
|
En Chine, leur utilisation est très ancienne. Il faut d’ailleurs
noter que l'écriture chinoise antique dite "sigillaire"
provient de l'écriture gravée des sceaux.
|
Les premiers étaient utilisés pour
valider des documents d’officiels de haut rang, ils se nommaient
Xi. Ils furent très utilisés entre 1600 et
771 av. JC entre les dynasties Shang et Zhou et les
Xi avec écriture manuscrite furent largement utilisés
pendant la dynastie Zhou (720-256 av. JC). Peu à peu,
les structures sociales évoluèrent et un grand nombre
de sceaux privés appelés Yin apparurent aussi
à cette époque.
|
|
|
Les sceaux Xi et Yin devinrent à cette époque
une forme d’art, opérant une fusion entre sceaux gravés
et écriture manuscrite. Avec la dynastie Ming au 16ème
siècle, l’art des sceaux gravés entra dans une nouvelle
phase englobant calligraphie et techniques de peinture.
|
Aujourd’hui, les sceaux sont encore largement utilisés :
administratifs ou artistiques, privés ou représentant
une institution, ils ont la fonction de notre vulgaire " coup
de tampon " et font partie intégrante de la
vie des chinois.
Partout dans les rues, des artisans gravent des sceaux. Il en existe
une multitude et le choix n’est limité que par le budget
de l’acheteur.
|
|
Pierres de toutes tailles et de toutes factures ornent les étagères
des marchands et le choix n’est pas aisé pour le néophyte
qui désire acheter un sceau chinois.
Pierres brutes ou sculptées, jade de valeur ou pierres
semi- précieuses, cristal, anciens, faux, récents,
bon marché : le meilleur côtoie le pire et il
faut être expert pour faire la distinction.
Il existe cependant des endroits où il est à peu
près sûr de trouver de véritables œuvres d’art
et d’éviter les imitations de mauvaise facture : Le
musée de Shanghaï possède par exemple une boutique
qui ravira les amateurs et les antiquaires sont légion.
|
Graveur au travail
|
|
Une fois la pierre choisie,il reste la gravure à effectuer.
En général les graveurs utilisent des pierres poreuses.
Ils peignent le motif à graver sur la pierre et ensuite ils
creusent dans la pierre à l’aide d’un stylet en creusant
autour du motif
En général, le graveur propose différents
styles de caractères et de calligraphies sur catalogue.
Lettres carrées ou plus arrondies, caractères anciens
ou primitifs, animaux fantastiques ou signes magiques, géométriques
et anguleux ou irréguliers s’ornant de pleins et déliés
défilent sous les yeux du client.
|
|
|
|
|
Le graveur creuse la pierre à l’aide d’un
stylet
après avoir choisi le motif à graver
|
|
Un marchand proposant une multitude de sceaux
au marché culturel de Pekin
|
Mais encore faut-il savoir quels caractère graver. Même
s’il est plus aisé d’acheter un sceau déjà
gravé, l’inconvénient est de ne pas connaître
la signification des caractères ; il est donc délicat
de l’utiliser pour son courrier !
|
|
L’autre possibilité consiste
à faire graver un sceau à son nom, je découvris
alors qu’il fallait d’abord me trouver un nom chinois.
|
|
Le choix d’un nom pour un étranger se fait
d’abord de manière phonétique, nos amis chinois essaieront
d’abord de trouver un nom qui ressemble a notre patronyme d’origine.
Ensuite, s’ils peuvent trouver des caractères
valorisant et enfin qui correspondent à votre personnalité.
Les parents peuvent appeler un enfant en fonction
des circonstances de sa naissance, en voici quelques exemples :
|
Jianguo : est un nom utilise pour des personnes nées
en 1949 et signifie fondation de la patrie (date de la révolution
culturelle).
Wangxue : Wang est le nom de famille et xue
est le caractère chinois qui exprime la neige (il a neigé
le jour de la naissance de l’enfant).
Chengcai : Cheng est le nom de famille et cai
veut dire talent, le nom représente ici l’espoir que l’enfant
sera talentueux.
Shi Manli est un exemple intéressant : Shi
est le nom, mais d’un côté de la famille les parents
souhaitaient appeler leur fille Man mais l’autre partie voulait
qu’elle se nomme Li, il y avait un conflit sur le choix du
nom, ils trouvèrent un accord en réunissant les deux
noms Man et Li, Manli évoque aussi un
nom de fleur.
|
Après avoir passé un peu de temps avec mes amis chinois,
ils me dirent qu’ils avaient trouvé un nom qui me correspondait
bien : Jean-Yves allait devenir Zhang Yi Fu.
En chinois il faut prononcer " Tchang Yi Fou ".
La phonétique était respectée, je demandais
donc la signification des caractères.
Zhang est un nom très courant en Chine.
Yi exprime la rectitude, beau, bon bonté, justice
Fu désigne un homme mûr.
|
La signification me convenait et je décidais d’adopter mon
nom chinois immédiatement !
|
J’allais donc voir un artisan afin qu’il grave un sceau à
mon nom.
Une fois la pierre choisie ainsi que le style des caractères,
je me fis réaliser deux sceaux : le premier de forme
carrée avec des caractères modernes inscrits en négatif
et le second de forme ovale avec des caractères anciens.
Les deux ayant la même signification.
Motifs représentant
le nom " Zhang Yi Fu " |
|
|
Je repensais au vieux calligraphe, en me disant que désormais
moi aussi je pouvais signer mes œuvres de mon empreinte rouge… il
ne me restai plus qu’à apprendre la calligraphie !
Jean-Yves Bardin |
Zhang Yi Fu |
|
|
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire