Très codifié, l'esprit de Noël a beaucoup évolué depuis l'après-guerre. Francetv info liste les ingrédients, bons ou mauvais, qui le composent.
Les fêtes n'ont pas échappé à la mondialisation. Jadis simple mélange de célébrations chrétiennes et de traditions régionales, Noël et son esprit ont été façonnés au gré de diverses influences. Celle de Charles Dickens qui, en 1843, publie Un conte de Noël et grave ainsi dans l'inconscient collectif l'idée d'une fête de la charité et de la solidarité, propice au gueuleton. Puis celle des Etats-Unis, mère patrie de notre père Noël, à la hotte chargée de cadeaux, ramené en France par les GI's américains en 1944. Certes, Noël s'est mondialisé, mais il n'est pas si uniformisé qu'il y paraît.
Francetv info tente de définir la recette de l'esprit de Noël à la française.
"Après des années pendant lesquelles Noël a fait office de fête commerciale, il y a eu saturation : comme une envie d’arrêter d’uniformiser pour, au contraire, spécifier en ressortant d’anciennes figures." Comme la Tante Arie dans le Jura, le gros souper en Provence, etc. Mais cette recherche ne va pas forcément bénéficier à l’artisanat, poursuit la spécialiste, "trop coûteux et souvent plus populaire auprès des parents que des enfants".
D'ailleurs, les Français sont des consommateurs de plus en plus critiques, soucieux de replacer la générosité devant le culte de la surabondance. Si le budget cadeaux a baissé de 2,7% cette année, à 302 euros, relève le cabinet Deloitte (PDF), les Français ne songent pas tant à offrir "moins" qu'à offrir "mieux". Près d'une personne sur deux (47%) offrira des cadeaux d'occasion à Noël, selon une étude du groupe La Poste réalisée par TNS Sofres. Responsables, les consommateurs cherchent désormais le cadeau durable. De ce point de vue, la croissance constante des achats et reventes de cadeaux sur internet participe de ce nouveau Noël, toujours coûteux, mais plus rationnel, selon la culture du recyclage. "Lorsqu'ils ont le temps, certains aiment réaliser les cadeaux eux-mêmes", note Martyne Perrot, qui y voit "une tendance lourde en Europe ces dernières années".
Si ceux-là donnent de leur temps, d'autres veulent que leur argent serve la bonne cause : "Même dans des familles qu'on ne peut pas franchement qualifier de particulièrement hippies, on offre volontiers un bon pour une sortie, quelque chose d'immatériel. C'est le concept des cartes Unicef ou du calendrier Amnesty international", poursuit l'auteure du Cadeau de Noël, histoire d'une invention.
Quitte à ne mettre qu'une goutte de religion
Noël n'est pas seulement une fête chrétienne. Si les chrétiens célèbrent bien la venue au monde du petit Jésus, les autres se sont réappropriés ces festivités à leur manière. Dans les vitrines des magasins dès novembre, Noël est aussi entré dans l'immense majorité des foyers français, quelle que soit leur confession, sous les traits d'une fête des enfants, largement commerciale. "Noël est devenu une fête très laïque qui s'inscrit dans un mouvement de sécularisation plus général de la société", analyse Séverine Mathieu, professeure de sociologie à l'université Lille 1 et spécialiste des questions de religion et de laïcité.
Auteure de La transmission du judaïsme dans les couples mixtes, elle a posé la question des fêtes de fin d'année à de nombreuses familles : "Certaines refusent de fêter Noël", note-t-elle. "D'autres célèbrent Hanouka, qui se déroule à peu près au même moment, avec la partie juive de la famille, puis Noël avec les grands-parents non-juifs. Cela peut faire l'objet de négociations, par exemple sur le fait de mettre un sapin ou une crèche, mais les familles font leur petite cuisine", résume-t-elle. Pour les musulmans, chez qui Jésus est un prophète, Noël se fête aussi en famille, même s'il est hors de question de sortir crèche et autres signes chrétiens.
Finalement, quelle que soit la pratique religieuse (ou l'absence de pratique religieuse), "tout le monde fête un Noël qui, selon la tradition familiale, versera ou non dans le religieux" : Noël représente "une occasion d'aller à la messe de minuit chez certains chrétiens, parfois même pas pratiquants" ou alors "une fête des enfants" dans d'autres familles, athées, juives ou musulmanes.
En effet, les convictions religieuses arrivent en dernière position des raisons évoquées par les urbains actifs de ne pas fêter Noël, après les turpitudes familiales ou les contraintes professionnelles. "La communauté maghrébine ne voit en Noël aucune connotation religieuse. (...) Le réveillon, c'est l'occasion d'améliorer l'ordinaire, de faire la fête, de se retrouver", analysait en 2009 Abbas Bendali, directeur de l'Institut Solis, cité par Le Parisien.
Préparez une très grosse dose de famille
"A Noël, les Français veulent faire famille à tout prix autour de l'enfant", explique l'ethnologue Martyne Perrot. D'ailleurs, s'il n'y a pas de petits dans l'arbre généalogique (et a fortiori, devant l'arbre de Noël), la volonté de célébrer l'évènement en bonne et due forme fond comme bonhomme de neige au coin du poêle. "On s’aperçoit finalement que les personnes les moins à l'aise avec Noël sont souvent les personnes sans enfants ou les adolescents", note-t-elle. Ce sont les réveillonneurs les plus susceptibles d'opter pour le restaurant, le travail, le voyage ou plus simplement le bistrot le soir du 24.
De ce point de vue, Noël a su évoluer avec la société. "La vie de famille est de plus en plus compliquée", note la spécialiste. Alors les couples divorcés et leurs enfants enchaînent les rounds : chez les différents grands-parents, chez les différents beaux-parents, etc. "Certaines personnes font quatre ou cinq 'réveillons'. Par ailleurs, les familles sont plus dispersées géographiquement qu’elles ne l’étaient avant", relève Martyne Perrot.
D'autres n'en font aucun. Nicole Viallat, présidente de la section Ile-de-France de SOS Amitié, expliquait au Huffington Post en décembre 2012 que les "appelants" avaient changé : "Les 45-60 ans, hommes en tête, constituent la majorité (...) mais on a de plus en plus de parents isolés qui ressentent très durement leur solitude à Noël lorsque l'enfant est avec l'autre parent. Noël en famille, c'est parfois très tendu, bien loin de la Sainte famille !" Une étude LCL en ville / OpinionWay confirme : parmi les urbains actifs interrogés, 37% des gens qui ne fêtent pas Noël invoquent une situation familiale chaotique.
Enfin, "les Français qui ne fêtent pas Noël sont en partie des personnes isolées et/ou âgées, même si les associations font au mieux pour pallier ce manque", assure Martyne Perrot. Si l'ethnologue confirme que Noël "accentue aussi la solitude", elle rappelle que décembre est le mois qui enregistre le moins de suicides. Parmi les pages des forums Doctissimo, les internautes expliquent pourquoi ils ne fêteront pas Noël. Les drames familiaux, à commencer par le deuil, figurent parmi les raisons le plus souvent évoquées.
Ajoutez un parfum d'authenticité très en vogue
"En France, depuis quelques années, on essaie de raviver les traditions", assure l'ethnologue. Les villes moyennes se sont dotées, à partir des années 90, de cabanes en bois imitant les traditionnels marchés de Noël alsaciens (le plus célèbre, celui de Strasbourg, se tient depuis 1570). "Même si le marché tel qu'on le voit à Paris n'a rien d'authentique, cela participe d'une envie de renouer avec des traditions", prévient-elle, citant le retour de coutumes et de personnages longtemps éclipsés par ce gros père Noël venu d'Amérique. "Il faut donner l'impression de l'authenticité", même lorsqu'il s'agit de vendre des babioles made in China.
"Après des années pendant lesquelles Noël a fait office de fête commerciale, il y a eu saturation : comme une envie d’arrêter d’uniformiser pour, au contraire, spécifier en ressortant d’anciennes figures." Comme la Tante Arie dans le Jura, le gros souper en Provence, etc. Mais cette recherche ne va pas forcément bénéficier à l’artisanat, poursuit la spécialiste, "trop coûteux et souvent plus populaire auprès des parents que des enfants".
N'hésitez pas à doubler la dose de générosité
"Dickens a fait beaucoup pour Noël en tant que fête profane. Il en a fait un moment de partage, de solidarité, un esprit que l'on retrouve un peu partout aujourd'hui, en dépit de la marchandisation", résume Martyne Perrot. "Ce principe reste présent en France et particulièrement chez les gens qui n’aiment pas fêter Noël. Ce soir-là, les œuvres caritatives refusent parfois des bénévoles. Des associations m'ont confirmé que les dons étaient plus nombreux pendant les fêtes de fin d'année", explique-t-elle.D'ailleurs, les Français sont des consommateurs de plus en plus critiques, soucieux de replacer la générosité devant le culte de la surabondance. Si le budget cadeaux a baissé de 2,7% cette année, à 302 euros, relève le cabinet Deloitte (PDF), les Français ne songent pas tant à offrir "moins" qu'à offrir "mieux". Près d'une personne sur deux (47%) offrira des cadeaux d'occasion à Noël, selon une étude du groupe La Poste réalisée par TNS Sofres. Responsables, les consommateurs cherchent désormais le cadeau durable. De ce point de vue, la croissance constante des achats et reventes de cadeaux sur internet participe de ce nouveau Noël, toujours coûteux, mais plus rationnel, selon la culture du recyclage. "Lorsqu'ils ont le temps, certains aiment réaliser les cadeaux eux-mêmes", note Martyne Perrot, qui y voit "une tendance lourde en Europe ces dernières années".
Si ceux-là donnent de leur temps, d'autres veulent que leur argent serve la bonne cause : "Même dans des familles qu'on ne peut pas franchement qualifier de particulièrement hippies, on offre volontiers un bon pour une sortie, quelque chose d'immatériel. C'est le concept des cartes Unicef ou du calendrier Amnesty international", poursuit l'auteure du Cadeau de Noël, histoire d'une invention.
Quitte à ne mettre qu'une goutte de religion
Noël n'est pas seulement une fête chrétienne. Si les chrétiens célèbrent bien la venue au monde du petit Jésus, les autres se sont réappropriés ces festivités à leur manière. Dans les vitrines des magasins dès novembre, Noël est aussi entré dans l'immense majorité des foyers français, quelle que soit leur confession, sous les traits d'une fête des enfants, largement commerciale. "Noël est devenu une fête très laïque qui s'inscrit dans un mouvement de sécularisation plus général de la société", analyse Séverine Mathieu, professeure de sociologie à l'université Lille 1 et spécialiste des questions de religion et de laïcité.Auteure de La transmission du judaïsme dans les couples mixtes, elle a posé la question des fêtes de fin d'année à de nombreuses familles : "Certaines refusent de fêter Noël", note-t-elle. "D'autres célèbrent Hanouka, qui se déroule à peu près au même moment, avec la partie juive de la famille, puis Noël avec les grands-parents non-juifs. Cela peut faire l'objet de négociations, par exemple sur le fait de mettre un sapin ou une crèche, mais les familles font leur petite cuisine", résume-t-elle. Pour les musulmans, chez qui Jésus est un prophète, Noël se fête aussi en famille, même s'il est hors de question de sortir crèche et autres signes chrétiens.
Finalement, quelle que soit la pratique religieuse (ou l'absence de pratique religieuse), "tout le monde fête un Noël qui, selon la tradition familiale, versera ou non dans le religieux" : Noël représente "une occasion d'aller à la messe de minuit chez certains chrétiens, parfois même pas pratiquants" ou alors "une fête des enfants" dans d'autres familles, athées, juives ou musulmanes.
En effet, les convictions religieuses arrivent en dernière position des raisons évoquées par les urbains actifs de ne pas fêter Noël, après les turpitudes familiales ou les contraintes professionnelles. "La communauté maghrébine ne voit en Noël aucune connotation religieuse. (...) Le réveillon, c'est l'occasion d'améliorer l'ordinaire, de faire la fête, de se retrouver", analysait en 2009 Abbas Bendali, directeur de l'Institut Solis, cité par Le Parisien.
Mélangez le tout à votre mauvais esprit ordinaire
Quoi de mieux que le cinéma français pour mettre en lumière l'esprit de Noël à la française ? Contrairement aux Américains, souvent très premier degré lorsqu'il s'agit d'évoquer les fêtes de fin d'année, les réalisateurs hexagonaux voient dans les festivités une énième raison de râler. Et ils ont raison de pointer le potentiel explosif de cette cérémonie plus ou moins païenne : dépenses disproportionnées, réunions de famille parfois (souvent ?) imposées, préparatifs exténuants, gaieté de rigueur peu compatible avec notre maîtrise de la bougonnerie, etc. C'est aussi cela, l'esprit de Noël vu par les Français.
"Les réunions de famille sont des moments opportuns pour la libre communication de chacun", concède Christine Léon-Guérin, psychologue clinicienne et thérapeute familiale interrogée par le site du magazine Edith. "Si le désir est toujours qu'elles soient des moments de rassemblement, d'intégration, de communion, elles peuvent aussi devenir le contraire, où les différences de point de vue, de sensibilité s'affrontent." L'esprit de Noël, même mauvais, fait ainsi partie de nos chères traditions.
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