"Il est décédé, le mec ! Là, c'est vachement grave... Faut pas qu'ils sachent !" Un extrait d'enregistrement, et des révélations du Monde bien embarrassantes pour les autorités. Elles concernent l'enquête sur la mort de Rémi Fraisse, ce jeune manifestant de 21 ans tué par une grenade offensive lors des affrontements entre opposants et militaires au barrage de Sivens, le 25 octobre. De quoi relancer les manifestations, souvent violentes, qui ont lieu en France depuis cette mort. Un drame humain qui a aussi exacerbé les divergences entre écologistes et agriculteurs.
Pour les agriculteurs du Tarn, le combat des jeunes "zadistes" (occupants d'une "zad", zone à défendre), est contre-productif. Deux mondes, deux visions de l'agriculture s'affrontent. D'un côté, des manifestants qui dénoncent un projet surdimensionné au service de l'agriculture intensive et aux dépens d'une zone humide abritant 93 espèces protégées. De l'autre, des agriculteurs qui expliquent que "sans irrigation, les petits [agriculteurs] vont mettre la clé sous la porte... [et qu']il ne restera qu'une concentration de quelques exploitations. On va donc en arriver à ce qu'ils dénoncent.. Et là, ils vont voir à quoi ressemble l'agro-industrie". La tension est extrême entre les deux camps. Les contradictions entre les engagements du gouvernement pour l'agro-écologie et les projets multiples d'exploitations industrielles qui fleurissent en France n'en sont que plus visibles. D'ailleurs, le nouveau commissaire européen chargé de l'Environnement vient de décider de faire une priorité de ce dossier devenu ultrasensible. Le 26 novembre, la Commission européenne a annoncé l'ouvertue d'une procédure d'infraction contre la France dans le projet de barrage. Une "violation présumée de la directive sur l'eau" est même évoquée par Bruxelles. Sans le financement européen, le projet de retenue d'eau sur la vallée du Tescou, dans le Tarn, serait compromis.
En France, l'industrialisation agricole s'accélère. Mais à quel prix ? L'agriculture deviendrait-elle contre-nature ? Se développerait-elle au mépris de l'emploi et de l'écologie ?
La "ferme-usine des mille vaches", dans la Somme, crée également beaucoup de tensions. L'exploitation de cette infrastructure controversée a commencé en septembre, avec plusieurs semaines de retard dues aux blocages et intrusions des opposants. Cette ferme est un élevage de taille inédite en France. Devenue le symbole de l'industrialisation croissante de l'élevage, elle est encore plus décriée que le barrage de Sivens.
Pourtant, en France, on reste loin de ce qui se passe aux Etats-Unis, où certains élevages peuvent accueillir jusqu'à 30 000 bovins. Dans l'Hexagone, le nombre d'éleveurs de vaches laitières a fondu de 58% entre 1993 et 2013. Dans le même temps, la production de lait a augmenté de 5%. La fin des quotas en avril 2015favorisera l'augmentation de la taille des exploitations. Car la PAC (politique agricole commune) favorise la concentration. Les aides directes européennes sont liées à la taille des exploitations. Mais qui dit production intensive dit aussi pollution de l'eau, des sols, et impacts sur la santé.
Une question reste posée : et si l'avenir des paysans français, en perte de vitesse dans la compétition planétaire, passait par cette industrialisation parfois si décriée ?

Lait : à qui profitent les fermes géantes ?

On n'avait jamais vu ça en France. La "ferme des mille vaches" abritera 1 750  bovins. Une production de lait automatisée qui fournira même de l'électricité grâce au méthane dégagé par leur lisier. En Bretagne, une méga-usine devrait s'implanter et produire 300 millions de litres de lait par an destinés à des clients chinois. Jean-Karl Lambert et Antoine Morel  enquêté sur ces énormes complexes à l'américaine. Seraient-ils l'avenir de nos agriculteurs ?

Esclaves de la crevette

En Thaïlande, CP Foods se surnomme elle-même "la cuisine du monde" et peut se prévaloir d'un bénéfice annuel de 25 milliards de dollars. La crevette est l'un de ses produits phares. Mais derrière ce business se cachent des pratiques sordides : le fournisseur de l'enseigne travaillerait avec des bateaux pratiquant l'esclavage. Un reportage de Romain Boutilly et Philippe Mer.

Le barrage de la discorde

Le barrage de Sivens, dans le Tarn, destiné à irriguer les exploitations agricoles voisines, provoque une levée de boucliers des écologistes. Ils dénoncent une atteinte inutile à l'écosystème. Pourtant, beaucoup de petits agriculteurs de la région souhaitent sa construction - condition sine qua non de leur survie, selon eux. Nathalie Sapena et Benjamain Poulain s'est rendue à Sivens pour mieux comprendre les affrontements autour de ce projet.